or voilà-t-y pas qu’entrent en même temps que moi dans le métro une fillette d’une dizaine d’années accompagnée de son père, lui s’assoit sur un banc, elle, toute pimpante, se met à grimper sur un des poteaux entre les bancs, je la regarde faire, puis je lui demande:
« t’es-tu capable de grimper jusqu’au plafond? »
« ben sûr! »
mais elle a beau essayer, elle n’arrive à monter qu’à la moitié du poteau pour aussitôt glisser et redescendre, sur ce, à l’une des stations, entre un jeune homme qui transporte ce qui a l’air d’une petite guitare dans un étui en tissu,
« c’t’un instrument d’ musique, ça? » je lui demande, « ça s’ souffle ou ça s’ pince? »
« c’t’un charango, » il répond, « ça s’ pince, »
il dézippe l’étui, en sort l’instrument, me le montre, en pince quelques cordes et le refourre dans l’étui, entretemps la demoiselle qui grimpait au poteau s’était mise à chanter,
« ah ben dis donc, on a un musicien ici, » je dis en montrant le jeune homme au charango, « et là, on a une chanteuse, » j’ajoute en désignant la demoiselle,
« oui, j’ suis aussi danseuse et musicienne, mon père m’a ach’té une flute traversière, toi, tu fais quoi? »
« chu poète, pis j’écris des romans pas d’allure, »
elle me toise un moment, s’essaie à nouveau de grimper au poteau, me toise encore, puis me demande :
« ça écrit quoi, un poète, des chansons? »
le jeune homme, arrivé à destination, débarque,
« ben oui, ben r’garde, moi j’ prends des mots, j’ les lance dans les airs, pis j’ fais des étoiles avec, j’ fais des fleurs, des oiseaux aussi, » j’illustre mes propos en gesticulant des mains, « quand chu triste j’ fais des nuages gris, pis mes mots tombent comme d’ la pluie, des fois j’attrape des gouttes, j’ les mets d’ côté, pis j’ fais des diamants avec plus tard, pis comme j’aime pas rester triste trop longtemps, ben un moment donné j’écarte les nuages avec d’autres mots pis là j’ fais un gros soleil jaune, des fois j’ le fais bleu, »
elle a souri d’un beau grand sourire tout le reste du trajet, elle exécutait des steppettes de danse autour du poteau, s’y tenant d’une main, de l’autre, parfois des deux, la bonne humeur sautillait dans ses yeux comme des feux d’artifice au caramel,
c’est bien beau , je redécouvre d’un oeil neuf ….