Dans l’océan du ciel,
Sur les vagues des nuages,
Le vaisseau de la lune
Semble voguer
Parmi une forêt d’étoiles.
Kakinomoto no Hitomaro
je parle toutes les langues en français, je parle une langue multipliée par toutes ses occurences, je suis multilingue, polyglotte et polygonal, m’écriture est une toile multidimensionnelle de tout ce qui a été écrit, de tout ce qui s’écrit, de tout ce qui s’écrira, un portail en éventail comme un accordéon qui relierait toutes les notes possibles, probables et chimériques en un réseau perpétuel et diversifié
je suis ici et je suis partout dans le temps et dans l’espace, je suis tous les hommes, toutes les femmes, tous les enfants du monde ayant vécu, vivants, à venir, et ils et elles sont toustes moi dans ma langue déliée
je suis étoile, atome, galaxie, molécule
je suis chien et chat, lune et soleil
je suis la terre, je suis l’océan
je suis en déplacement sous le ciel bleu
en visite dans les constellations
sur Jupiter et dans les nuages sulfureux de Vénus,
je suis dans le monde qui est en moi
qui est dans le monde
je suis incertitude et indétermination
je suis toutes ces choses, tous ces êtres
tous ces objets, tous ces phénomènes
et je ne suis aucun d’eux ni aucune d’elles
la Galaxie dans la tête, la tête dans la Galaxie, je collectionne les étoiles, les enchâsse dans la tapisserie de mon imaginaire en un bestiaire et un symbolisme en parallèle d’évidences, toutefois perpendiculaires à leur essence propre
là où, dans cet espace sacré
la femme de mes rêves
déambule nonchalante et subversive
la gravitation informe ma langue de sa relativité
ma langue en retour éclaire la lanterne de l’espace-temps
et quand je suis en état d’apesanteur
ma langue virevolte
en pleine liberté de son expression
ni haut ni bas, ni droite ni gauche
bien plantée dans son centre qui n’en est pas un
à cheval sur une périphérie immobile en apparence
et qui se meut à la vitesse de la lumière
dans l’expansion de l’univers
je disparais dans l’énoncé des galaxies
qui basculent derrière l’horizon du visible
réapparais comme un poème
dans l’élégante féérie de la Voie Lactée
notre lieu commun dans l’univers inusité
je vois grand, je vois énorme, je vois gigantesque à travers l’étroitesse d’esprit et l’arrogante petitesse de notre être collectif, ma langue s’insurge contre nos paroles de mort, les amplifie pour leur rendre justice, leur faire rendre des comptes, enfin les annuler ou plutôt les transformer en vagues d’espoir, en ondes de vie sur nos tribulations sauvages, cruelles et guerrières
chants de paix sur nos champs de ruines
je suis m’écriture
qui est noyo comme graine en terre
aventure comme arbre centenaire
et tout ce qui s’ensuit depuis et déjà
et même au-delà et même en-deça
puisque je suis ce que vous êtes
et que vous êtes ce que ma langue raconte
du lisible à l’illisible au lisible
puisque je suis l’océan que vous êtes
et que vous êtes le ciel que je déploie
et que je déplore
sous le voile de nos mensonges
je reviens de loin, je retourne au début
je parle dans tous les dialectes au milieu
ma langue tourne en rond dans l’édifice des fictions
se fraie malgré tout un chemin fléché
vers l’impossibilité de dire le réel sans l’imaginer
trace un vecteur d’authenticité toujours à mettre à jour
Pink Floyd, Astronomy Domine