avant-propos: vous ai-je déjà parlé de Sherry la junkie dans ce journal? oui? non? qu’à cela ne tienne, je vous en parle ou reparle ici au fil de mes divagations habituelles
qu’écrire quand on ne sait plus quoi dire, ni comment le dire, ni pourquoi le dire, quand on a voulu tout dire et qu’en définitive on n’a rien dit ou si peu et de si peu d’importance, qu’écrire sinon soi-même en se prenant pour un autre, sinon sa vie qu’on vit tant bien que mal, sinon le mot liberté accroché au mur comme un diplôme jauni de jeunesse envolée, une bagatelle, une parure carrée sur un dos rond,
qu’écrire quand les phrases
serpentent en sentiers de glace
et on glisse, glisse
sur des paragrafs en aires de miroirs,
puis on reprend pied, on suit la ligne, pas après pas qu’on imagine assurés, mots après mots dans une illusion de confort, dans l’irréalité de la conformité, mais voilà que la ligne n’en est pas une, c’est une courbe pareille à Sherry, une junkie que j’avais rencontrée à Montréal sur la Saint-Denis, torontoise elle baragouinait un français potable, enjouée, un peu folle, elle a crashé chez moi cinq six jours, je louais une chambre sur Ontario dans ce temps-là, elle se piquait dans mon fauteuil, mon cendrier sur pied d’un côté, de l’autre mon guéridon sur lequel elle étalait son stuff de drogue, moi mon stuff de lecture, une lampe derrière à gauche,
elle m’en a offert, j’ai refusé, good thinking, touche pas à ce shit-là,
elle s’est offerte, je n’ai pas refusé, elle aimait comme un cartoon underground,
elle me raconta la fois qu’elle était allée se shooter dans les toilettes d’un poste de police, c’était pas a good idea, mais c’était drôle, hum, funny weird,
je lui lus Harmonie du soir de Baudelaire, elle fut sensible à la music des mots si elle en saisissait peu le sens,
elle était toujours à la veille de partir, longeait les provinces au détour des villes,
je partais dans m’écriture, rameutais mes mots dans l’angle des buildings et allais avec elle shootée moi acidifié boire et danser au Plexi dans le Vieux-Montréal,
puis la courbe se remet en ligne comme une hypothèse, ajournant Sherry au bas-côté, ainsi qu’écrire n’est plus tant un questionnement qu’un désir, un élan, un pont de lianes ou de fer jeté par-dessus le ravin des soupirs et la rivière des souvenirs, et des deux bords la même pancarte qui annonce qu’on entre dans le territoire qu’écrire, vaste territoire où tout est possible sans que rien ne se réalise, territoire projeté d’immensité, qu’écrire sinon que la langue se refait toultemps toute entière dans la continuité du monde,
et derechef la ligne se retourne, souvent contre elle-même, se courbe derechef pour vous dire que j’ai connu une autre Sherry vingt ans plus tard à Winnipeg, je crois en avoir parlé dans un de mes romans, chu pas sûr, une Sherry punk tatouée percée, elle aussi un peu folle, que j’aurais aimée si je n’avais pas aimé l’ange, une Sherry qui s’était piquée, ne se piquait plus, se repiquerait à Vancouver, grande et mince et libertine comme la Sherry de Montréal et peut-être était-ce la même qui dans ses voyages avait traversé le temps pour atterrir à Winnipeg jeune comme alors et dans l’air de sa génération,
allez, je vous laisse sur un poème d’Aragon mis en musique par Georges Brassens et interprété par Françoise Hardy, Il n’y a pas d’amour heureux
(note — pour les com moi qu’une faute de transcription apostrofe : deuxième couplet, troisième vers, ce = se, à quoi peut leur servir de se lever matin)
Reinette Poisson (Sophia Myles) : There is a vessel in your world where the days of my life are pressed together like the chapters of a book so that he may step from one to the other without increase of age, while I, weary traveller, must always take the slower path.
Doctor Who, The Girl in the Fireplace
« Il existe dans votre monde un vaisseau où les jours de ma vie sont pressés les uns contre les autres comme les chapitres d’un livre, de sorte qu’il peut passer de l’un à l’autre sans que son âge n’augmente, tandis que moi, voyageur fatigué, je dois toujours prendre le chemin le plus lent. » (trad. DeepL)
marrant ,crasher chez nous c’est s’écraser .donc j’ai choisi crécher plutôt que de voir Sherry s’écraser chez toi 😀
oui on déjà eu cette discussion
L’image d’Eccleston était plus ‘James Bond’ ,un peu froid , celle de Tennant plus fragile et plus sensible à l’humour , les femmes aime les failles .
à propos du poème d’Aragon, le poème compte cinq strophes, Brassens a omis la dernière :
Il n’y a pas d’amour qui ne soit à douleur
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit meurtri
Il n’y a pas d’amour dont on ne soit flétri
Et pas plus que de toi l’amour de la patrie
Il n’y a pas d’amour qui ne vive de pleurs
Il n’y a pas d’amour heureux
Mais c’est notre amour à tous les deux
paraît qu’Aragon était pas content…
l’amour fait souffrir , heureusement qu’Aragon a écrit la dernière phrase
ne pas oublier qu’Aragon est résistant durant la guerre 40/45 , d’ou le double sens du poème ,l’amour pour Elsa et de la France .
alors que pour Brassens c’est une perte de temps et il se planque .
as tu remarqué (surement) que Brassens utilise la même mélodie dans « La Prière »
pour te dire, je connais très mal, je dirais même pas du tout, le répertoire de Brassens, encore moins « La Prière », la seule chanson que je connais vraiment de lui, à part « Il n’y a pas d’amour heureux », c’est « Heureux qui comme Ulysse » grâce au film avec Fernandel,
oui c’est un chanteur très Français (comme Ferrat qui a fait découvrir Aragon ) , d’une autre génération avec une langue très classique ,une musique qui semble « désuète » ,mais on pourrait le dire pour Fernandel 😀
mais quand Ferrat chante Aragon cela reste très beau ( Gilles Vigneaut le reprend dans « au bout de mon age » )
https://youtu.be/ijOIT3avTlk
autant ces chanteurs très français comme tu dis, autant les chansonniers d’ici, Leclerc, Vigneault, Léveillée, j’ai jamais vraiment accroché, une toune ici ou là et c’est tout,
je crois que tu en avais parlé peut être du temps de My Opera mais pas sur.
elle a crashé : Québécois ? ou créché : Français ?
toi au moins ,tes souvenirs peuvent se convertir en mots pour les lecteurs ,aller et venir au gré de tes doigts ! et la possible répétition n’est plus un problème alors
j’hésite entre Brassens et F Hardi ,comme souvent chez Aragon ses poèmes font de belles musiques
ah mon docteur préféré ! si on pouvait passer dans les chapitres de sa vie sans que l’age n’augmente ….
ah oui, j’en ai peut-être parlé dans mon ancien blogue Opera
crashé, c’est pas du québécois, c’est directement de l’anglais to crash, en français crécher, j’aurais pu écrire she crashed at my place, j’ai inséré certains termes anglais dans le texte par association à la langue maternelle des deux Sherry,
quant à moi je préfère l’interprétation de Hardy,
ah! ce cher Seigneur du Temps, cet épisode, La cheminée du temps chez vous, reste un des meilleurs de la série avec Tennant qui, soit dit en passant, n’est pas mon préféré, pour moi c’est Eccleston et Smith ex aequo, ensuite Tennant, on en avait déjà discuté de ça, toi et moi, relevant le fait que Tennant a été, et de loin, plus populaire auprès des dames qu’auprès des messieurs