ou comment continuer un texte vagabond
penser le monde, le repenser s’il le faut
le remettre à l’endroit s’il est à l’envers
à l’envers s’il est à l’endroit
ou tout autre agencement de sa géométrie variable
et quelle que soit son aiguille temporelle
le monde est malléable et flexible avec ou sans nous, ainsi j’ai rêvé l’autre matin, — moi, oizo de nuit, — que j’étais ce vieil homme qui ramassait le monde,
une fenêtre dans une cour, sa lumière sur l’herbe
un livre dans une ruelle, ses mots sur les murs
des vagues sur les sept mers quand je suis pêcheur ou pirate
capitaine ou simple matelot
sentiers de lunes et de soleils imagés de constellations
j’ai ramassé beaucoup de femmes, beaucoup d’hommes et j’ai essayé de ramasser autant d’enfants que je pouvais, toustes dans ma tête le temps d’une paix,
je ramassais du sable sur une plage, une roche, un arbre derrière un banc et pourquoi pas, tiens, le banc avec,
une parole happée dans une fontaine et le tir d’aile d’une pensée envolée,
je ramassais tout et je mettais tout ça dans mon sac en bandoulière holoformé, j’aime pas les sacs à dos, j’ai assez du poids du réel sur les épaules, quand une voix de femme derrière moi me demanda ce que je faisais, je me retournai, la reconnus sans la reconnaître,
«j’ ramasse le monde,»
«ah bon! pourquoi?»
«parce que,»
d’un oeil sur mon sac elle demande,
«c’est pas trop pesant à la longue?»
«non,»
l’alentour s’inverse le compas, du bout de trottoir sur lequel elle avait marché et que j’avais ramassé on se retrouva au sommet d’une montagne,
«c’est pas trop ma place ici,» toux, je fume débile, «j’ veux dire, chu pas un sage au top du monde,»
«mais vu de haut c’est quelque chose,»
le soleil couchant dans les nuages en bas colorait son visage comme un vitrail,
«c’est notre monde, mais y nous appartient pas,»
sa voix était cristalline dans l’air vif, un peu nasillarde comme celle de Manon Duval, je ramassai un morceau de nuage,
«un beau bout d’ nimbus, ça là,» dis-je, en le fourrant dans mon sac,
elle souriait et on se retrouva attablés dans un café expressioniste quand tout d’un coup, au geste furtif d’une table voisine, je la reconnus, Rachel Rocher, mon premier amour d’été, on avions six ans, mais une Rachel adulte comme si on s’étions jamais perdus de vue, là dans mon rêve com si je l’avais vue grandir et devenir femme, toujours aussi rousse, toujours aussi pétillante, toujours aussi amusante,
«cibolac!» dis-je, «Rachel!»
«ben oui, c’est drôle comme le temps est impossible,»
et du café on se retrouva dans un snack-bar rock & roll,
«y faudrait repeindre le mât du monde,» disait-elle, en crinoline, un 7-up à la main, m’itou, la couette Elvis, «j’en parlais l’ot jour avec une voisine, elle aussi a trouve qu’y est pas mal mat, le mât du monde, pis en même temps, pis c’est ça qu’y est effrayant, y est tailladé, bariolé, épluché, c’est comme si l’humanité avait la rage, tu trouves pas? pis c’est les enfants qui souffrent, toujours,» elle avait baissé la tête, la releva, but une gorgée de 7-up, ça pétillait, «je dis repeindre, y faudrait d’abord le r’mett’ d’aplomb, mais ton sac, là, tout l’ monde y est?»
«tu veux voir?»
je tasse mon 7-up pour pas l’accrocher, me lève, pose mon sac sur la table, l’ouvre, elle s’est levée elle aussi, a tassé son 7-up, s’est penchée appuyée des deux mains sur la table pour mieux voir,
«tout l’ monde y est?»
«d’autant plus que j’ai des galaxies au fond, elles prennent beaucoup de place,»
«ah oui, j’ les vois, elles sont loin,»
les heures s’étaient succédées en bribes accidentées pendant qu’elle faisait le tour du monde entassé dans mon sac et quand elle en revint on avions six ans et courions après un ballon qu’on avions kické dans la ruelle,
«cé moé qui va l’awoir!»
«non cé moé!»
on parlions le joual de notre coin, on arriva essouflés ensemble au ballon, on le kickait d’un bord à l’otre de la ruelle depuis… euh, en tout cas longtemps, un orage électric grondait sur l’horizon, on l’apercevait entre les immeubles,
«on va aller r’garder lé z’éclairs en-d’sous d’ not’ ti toit,»
«pis compter lé tonnerres,»
on comptions les tonnerres avec la petite boussole en plastic d’une boîte de céréales ou de popcorn que je traînais dans la poche gauche de mes culottes courtes, notre instrument de navigation dans nos aventure, ça comptait pas les secondes d’un orage électric, cette petite boussole, mais on faisions comme si,
le nord et le sud s’échangeaient les pôles
l’est et l’ouest des politesses
les intermédiaires dansaient débonnaires,
«cé comme si l’ monde r’commençait,» disait Rachel à chaque fois et je me réveillai le coeur battant, le soleil de midi dans les rideaux et je me dis, bien, si je m’en crois je mourrai au pied d’une montagne que je m’apprêtais à ramasser,
ainsi va la vie
que nous triturons sans vergogne et comme j’avais redoublé ma dixième année, brillant à l’élémentaire, indifférent au secondaire, ma mère m’avait enrôlé dans un collège catholique de frères, pensionnaire la semaine, à la maison les fins de semaine, au déjeuner à la cafétéria on réchauffait nos toasts refroidies pas beurrées en mettant la cafetière dessus, je passais le plus clair de mon temps libre dans la bibliohtèque bien fournie du collège, le midi on sortait s’épivarder dans la cour en asfalte, un speaker accroché sur l’arche de la porte avec de la music d’une radio pop, c’étaient des frères modernes, un beau jour ensoleillé un des plus jeunes, notre prof de onzième, avait fait péché d’orgueil, ou de vanité, c’est selon les horoscopes, les oracl’ & otres promesses, il était venu nettoyer son rutilant vélo de course à la vue de tous sous le speaker en faisant semblant de rien,
or voilà que Charlebois et Forestier chantent Lindberg,
ho là! qu’entends-je? on y sacre!
le lendemain finie la music, décroché le speaker, modernes, les frères, mais y avait des limites,
ainsi vont les rêves
qu’ils ensemencent l’essentiel, or je travaillais les fins de semaine comme busboy dans un restaurant, j’avais commencé ma carrière à douze ans, toujours les fins de semaine, plus durant l’été, je m’achetais du linge avec ma tite paye pour sacrer patience à ma mère, pis des livres, beaucoup de livres, des vinyls ossi, on appelait ça des records avant de les appeler des albums, et un matin que je suis arrivé au collège en chemise or et jeans rouges les frères ont pas trouvé ça drôle, ce fut la goutte d’eau qui fit déborder le vase de mon comportement anarchisant, aggravé par ma grande gueule quand ça m’ pognait,
on m’a viré et j’ai continué mon secondaire à l’école publique, que j’ai pas complété, j’ai quitté pour de bon au début de ma douzième, me suis mis à travailler à temps plein, puis j’ai quitté le nid familial pour sacrer patience à ma mère, aimante et courageuse, qui en avait déjà pas mal comme ça sur les bras,
ainsi vagabonde m’écriture
et si je me prends pour ce vieil homme qui ramasse le monde et que je mourrai, ai-je écrit, au pied d’une montagne, — ou je ne suis qu’hallucination, alors je mourrai aussi bien au bord de la mer que dans un building en ville ou encor en déplacement dans la Voie Lactée, — c’est pour à ma façon jeter un peu de sens sur le réel et quand on ouvrira le sac pour en faire ressortir son contenu, on verra qu’il est tel qu’il est,
copie conforme de son élasticité
avec ou sans nous
je pense que ça val mal en Europe , car l’Europe est partie du coté des USA
« La nomination de Fiona Scott Morton, ancienne cadre de l’administration Obama, à un poste clé de la Commission européenne lié à la régulation des géants américains de la tech a provoqué un tollé en France. »
imagine l’inverse !
c’est dire que les USA ne se cachent plus pour imposer leur mainmise sur la politique européenne et que l’UE se soumet volontairement à cette servitude
quand on pense que l’Occident, mené par les USA et qui ne représente qu’à peine 15% de la population mondiale, s’évertue à se prendre pour le nombril du monde
ben bon sang ,que cette écriture rafraîchit la touffeur ambiante .
touffeur climatique, touffeur politique, touffeur médiatique, ça va mal dans le beau pays de France