I
son amie au t-shirt est venue passer la soirée, elles se sont ravitaillées à un restaurant du coin, de retour elles se sont installées dans sa chambre pour déguster leur collation, après quoi elles ont embarqué sur leur ordi, l’amie emporte toujours son portable, elles ont joué à des jeux de rôles en ligne en discutant de mode, de music et du monde,
l’amie pense comme elle, que la société occidentale est foutue, mais elle est moins pessimiste, pas qu’elle-même soit optimiste ou pessimiste, elle est neutre, l’humain ne veut pas s’entendre avec lui-même, il s’évertue à s’exploiter sans vergogne et à se massacrer sans hésitation, il détruit son environnement et court à sa perte, tant pis, la Terre en a vu d’autre, — elle croit en la Terre et en l’Univers, pas en l’humain, — elle se rétablira une fois que cette engeance se sera toute exterminée, elle se recyclera, la biofère n’est pas fragile, l’humain l’est et sa civilisation aussi bien, ça serait quant à elle le meilleur scénario, finis l’humain, c’était une misérable expérience, essayons autre chose,
son amie croit au contraire que la technologie sauvera l’humanité, que leur génération qui a grandi dans l’internet (pas avec, dedans) et les générations qui suivront trouveront toujours des moyens de contourner la dystopie, n’éviteront sûrement pas la catastrophe climatic, — s’il y a catastrophe, ça reste à débattre, — auquel cas il faudra passer au travers, pareil pour la société de surveillance, elles ne l’éviteront pas, elles y sont déjà, s’y conforment, utilisent ses gadgets et c’est justement parce qu’elles sont constamment en ligne qu’elles savent s’y déplacer et en esquiver les pièges, elles en connaissent les détours et en inventent de nouveaux, certes elles sont fichées, suivies, observées, mais par une élite qui se croit toute puissante, pour qui l’internet est un instrument de contrôle qui au contraire l’emprisonne dans sa suffisance et dans son arrogance, ce qui la mènera à sa perte,
l’internet ne fait pas peur à leur génération, elles y sont comme des poissons dans l’eau, l’internet fait peur à l’élite,
son amie est presque transhumaniste, elle aussi à sa façon, un transhumanisme humain si ça se peut, où les valeurs humaines gouvernent la tecnologie, où celle-ci est imprégnée de celle-là au lieu qu’elle en soit la maîtresse, son amie a foi en l’humain,
après le jeu elles ont regardé un épisode de drag queens, univers fascinant dont elles partagent le penchant, si elle n’était pas si timide, si elle n’était pas si gauche dans le monde elle se lancerait dans le burlesque, monde selon son amie dans lequel elle pourrait justement fonctionner proprement, elle a raison, elle y pense, puis elles ont écouté de la music, leurs goûts musicaux divergent, l’amie plus techno, elle plus métal, elles aiment explorer la music d’avant, le disco, le grunge, le punk, le rock, le pop, même le big band des anciens, pas le classic, ni le blues, ni le western, — le cowboy, l’icône du mâle fier et solide qui pleurniche sa détresse et sa solitude les fait rigoler (par contre la reprise par Johnny Cash de Hurt de Nine Inch Nails les touche), — ni le jazz, le rap un peu,
elles ne lisent pas beaucoup et presqu’exclusiment en ligne, elles ont remplacé le papier par le pixel, tant mieux pour les arbres tant qu’il en reste,
II
contrairement à son amie elle n’a pas de libido, toucher un autre corps lui déplaît, la pensée que les corps ne sont que sacs de bactéries l’agace, pas de libido, pas d’attirance fysic pour quiconque, peut-être qu’un jour elle rencontrera celle ou celui qui lui fera sauter les barrières, elle vit quand même des moments d’embrasement charnel quand elle fait du yoga, ce qu’elle appelle son yoga, elle ne connaît rien au yoga, ce sont plutôt des exercices d’étirement et de relaxation, une quinzaine de minutes par jour et, quelques fois…
… ça commence doucement comme un appel des sens au loin, ça se rapproche, ça s’intensifie et tout d’un coup ça déferle en elle comme un tsunami, tout son corps passe en mode nirvana, elle est au paradis de la corporalité jouissive, ivre d’euforie sensuelle,
elle en revient claire et pure comme eau de source, elle se sent bien dans sa peau pour quelques heures avant que les démons de l’anxiété et du mal de vivre se remettent à danser dans sa tête,
alors elle s’inspire de ces quelques heures pour semer des pensées de bien-être dans les heures difficiles,
son amie affirme qu’en d’autres temps et d’autres lieux elle aurait été shamane, — justement une dame l’avait accostée au marché pour lui dire qu’elle voyait chez elle la personnalité d’une prophétesse (d’abord elle lui avait dit qu’elle ressemblait à sa fille tout de noir vêtue et ainsi percée, puis elle était passée en mode spirituel), — ou elle aurait trouvé sa place au sein d’un peuple amérindien ou tout autre peuple averti du florilège des dimensions humaines, ouvert à la géométrie diverse du vivant, elle n’y aurait pas été atypic, elle aurait été mâle-femelle à la croisée des pôles, femme-homme dans l’éventail des vecteurs,
elle n’est pas insensible à la beauté d’un homme ou d’une femme, bien que la vue d’une belle femme, par exemple son amie, grande, fine et souple comme un roseau, lui plaise plus que celle d’un homme, elle aime la beauté lisse chez la femme, elle la préfère rugueuse chez l’homme,
et si elle le pouvait elle se meublerait au néo-gothic victorien ou au chromé américain des années 60, ou encor au minimalisme japonais et c’est vrai qu’elle a tendance à simplifier son décor,
elle n’aime pas le monde, bâti sur le mensonge, sur l’exclusion, sur la peur, sur la haine, elle le trouve minable dans l’enflure de son arrogance, peut-être que Jésus dans son temps pouvait demander à son Père de pardonner à ceux qui l’ont crucifié parce qu’ils ne savaient pas ce qu’ils faisaient, Jésus et son Père en qui elle ne croit pas, elle est athée, — un mot de Christopher Hitchens, qu’elle ne connaissait pas et sur qui elle était tombée par hasard, l’avait interrogée et elle avait pris le temps de le noter, il avait dit (ou écrit, elle ne s’en souvenait plus, et c’était en anglais): Puisqu’il est évidemment inconcevable que toutes les religions puissent avoir raison, la conclusion la plus raisonnable est qu’elles ont toutes tort. — mais aujourd’hui, avec tout ce que l’humain a appris de son Histoire, il n’est plus selon elle pardonnable,
«au pire,» comme elle l’a dit à son amie durant leur discussion sur l’internet et sur la bêtise destructrice du monde, «nous finirons toustes à l’abattoir,»
Johnny Cash, Hurt
es tu sur qu’ « Elle » n’a pas été touché par les mangas et le fameux Hikikomori ?
https://www.cairn.info/revue-enfances-et-psy-2015-1-page-74.htm
ne pas avoir de sexualité peut être très reposant , les conflits , séduction etc sont évités .
Super chanson dépressive très bonne reprise de J.Cash , j’aurais bien vu Nick Cave la reprendre !
Il me semble que Nine Inch Nails regardant le clip de J. Cash , avait dit : j’avais l’impression de regarder ma copine baiser quelqu’un d’autre
la version générée par une IA avec la voix de Lana Del Rey me plait bien , parfois la voix pleure un peu mais ça gêne pas trop vu les paroles .
« Elle » aime les mangas et connaît le Hikikomori, hé oui