elle pourrait le regretter plus tard, c’est l’avis de son frère (son demi-frère en vérité, du côté paternel), elle a en effet commencé des injections à la testostérone, pas exagéré, surtout pour baisser sa voix, elle passera à l’ablation des seins le cas échéant, ce qui ne sera pas grand-chose à enlever, sa poitrine est si peu développée, non, elle ne le regrettera pas, elle y pense, l’assure-t-elle, depuis qu’elle a neuf ans, elle ne se sent pas fille et ne veut pas devenir garçon, quoiqu’elle a entrepris les démarches pour changer son prénom légalement du féminin au masculin, elle deviendra un mâle efféminé ou une femelle masculinisée, elle sera entre les deux, elle est et restera une personne indéfinie, — vu qu’après tout elle n’aime pas exister, — si elle le peut elle se fera pousser une moustache fine comme un trait au crayon au-dessus de la lèvre,
et si elle le regrette ça sera son problème, elle n’aura qu’à s’en prendre à elle-même, de toute façon à voir la société se subdiviser et se multiplier en minorités de toutes sortes, genrées et autres, bientôt les normaux seront aussi une minorité,
elle ne revendique rien, elle n’oblige personne à utiliser des pronoms genrés ou dégenrés et quoi d’autre encor, ça, ça viendra tout seul, petit à petit, ça s’éclaircira le long des générations, les langues sont vivantes, elles s’adapteront, par contre elle exigera le masculin quand elle aura changé son prénom et surtout après son opération, — si elle va jusqu’au bout, parfois elle a des doutes malgré l’assurance qu’elle affiche par ailleurs, — et peut-être finira-t-on par inventer un genre neutre qui n’existe pas dans une langue comme le français et sur lequel toulmonde s’entendra,
sa transformation attriste sa mère, lui fait peur même un peu, elle aurait tellement voulu qu’elle reste sa petite fille, qu’elle lui donne pourquoi pas un ou deux petits-enfants, alors pour ça un non catégoric, elle ne veut pas d’enfant, point à la ligne, s’il le faut c’est bien simple elle se fera enlever l’utérus, et ne le lui dira jamais, ça l’affligerait au point de la jeter dans une grave dépression, elle lui cache encor ses blessures aux bras et elle ne sait pas grand-chose de ses crises d’anxiété, ne savait pas trop quoi faire quand elle en avait une du temps qu’elle vivait avec elle, alors elle se dérobait, accroupie dans un coin de sa chambre et n’en a jamais plus fait mention depuis qu’elle vit avec son frère, son aîné d’une quinzaine d’années, il l’a prise en charge quand elle avait huit ans et l’avait auparavant élevée en parallèle avec sa mère (ses parents à lui ne sont plus) qui s’était rendue compte après sa naissance qu’elle n’était pas faite pour ce rôle, lui avouant il y a peu qu’à l’accouchement elle a crié au docteur qu’elle ne la voulait plus, qu’il la repousse à l’intérieur et l’y fasse disparaître comme par une sorte de tour de passe-passe, elle lui a dit ça les larmes aux yeux, la refiler au frère l’a soulagée, elle a pu retrouver la liberté qu’elle lui avait ravie, elle l’aimait, elle l’aime toujours, plus même avec les années, mais sans arriver à s’attacher véritablement,
elle ne lui en veut pas, elle n’en veut pas non plus à son père qui a disparu vite fait avant sa naissance, le géniteur absent comme elle l’appelle, les psis auront beau lui expliquer qu’elle est ce qu’ell est à cause du manque de liens affectifs avec sa mère et de l’absence du père, son frère ayant pris sa place, ils auront raison, certes, dans le contexte de leur interpértation de l’humain, et ils auront tort,
d’après son frère tout ce mouvement de la multiplication des identités sexuelles, du politiquement correct, de la morale offensée, ce qu’il appelle la marchandisation des corps et la réification des esprits, est un symptôme de la mort de la civilisation occidentale, plus spécifiquement la blanche, il est d’avis que la race blanche sera peu à peu effacée, pour mieux dire colorée jusqu’à s’évanouir dans la mixité des races, il n’y aura plus de blancs, que des teintés, il a raison, il n’a pas tort, finalement elle s’en fiche royalement,
ouh la ,compliqué doit être sa vie … c’est pas rien de devenir un(e) non genré(e ) si il y a opération .
Sans doute me trompe je ,mais ça ne résoudra pas forcément son problème qu’elle a avec elle même.
c’est sidérant de considérer qu’une femme doit avoir obligatoirement un instinct maternel , par contre faire un enfant est un peu inconscient ,voir égoïste ,dans ce cas .
c’est compliqué, oui, tu verras dans la prochaine et dernière partie comment elle gère physiquement et mentalement sa condition
pis faut jamais oublier qu’à partir d’un noyo de réel je brode de la fiction