Skip to content
le journal d'un miroir

le journal d'un miroir

je sème des pensées d'humanité dans les champs étoilés de la Voie Lactée

  • fictions
    • dimensions
    • déviations
    • déflexions
    • l’explication du monde
    • métro
    • on est romantic ou on l’est pas, sti!
    • série musicale
    • vlc!
    • pensées décapitées
  • fissures
  • fractales
    • l’oeil
      • ailé
      • arqué
      • fixé
    • l’âme
      • abords
      • aveux
      • ajouts
    • le sexe
      • attitudes
      • mensonges
      • motifs
  • fragments
  • l’auteur

l’immortel (5) lucarnes

Posted on 2023-06-152023-06-15 By Jean 4 commentaires sur l’immortel (5) lucarnes

aujourd’hui, maintenant

j’écris ces lignes sur un écran d’ordinateur en même temps que je grave des signes sur une roche préhistorique, que j’enfile les billes d’un calendrier lunaire, que je tiens les comptes d’un prince ou ceux d’un pirate
ma longue mémoire une tapisserie de liens oniriques

aujour’hui, maintenant

à l’époque actuelle pleine de mon passé parallèle, j’avoue ma lassitude de vivre toujours et je reste curieux de l’avenir

le mien et celui du monde

je tourne la tête, tends l’oreille, cette voix, je me lève, vais à ma fenêtre, vois dans la vitre le reflet de Valérie Vocalise, elle chante
j’ouvre la fenêtre et dehors, ailleurs, des femmes volubiles battent le linge sur le bord d’une rivière

ici et là, au présent comme au passé

elle et elles comme évidences
et je dois me ressaisir pour reprendre le cours du temps présent

mais le temps est une illusion, une variable, un conte
seule la vie est constante, elle est cycle, spirale, récurrence

je reviens m’assoir
un sourire aux lèvres
le coeur meurtri
l’âme en question

curieux de l’avenir du monde
je l’ai traversé sur tout son passé
je suis curieux de son futur
et pourtant je suis las d’être

or posons l’éventualité d’un conflit nucléaire planétaire, je serais irradié de part en part sans mourir, je reviendrais investi des prouesses d’un surhomme, je serais celui guidant les restes de l’humanité vers les étoiles ou l’abominable qui la dominetait
me revient parfois cette envie de dominer et d’abuser pour mon seul plaisir comme je l’ai fait en des temps révolus, une pulsion de violence, de mégalomanie que je partage avec mes semblables mortels

cependant que ma longue expérience a depuis longtemps émoussée

(j’ai sauvé d’innombrables vies, le voulant et sans le vouloir, j’en ai détruit autant, le voulant et sans le vouloir)

ou toute l’humanité aurait disparu, je resterais seul sur une planète ruinée qui se ranimerait au long des millénaires
ou peut-être la science des prochains siècles trouvera-t-elle une explication à mon existence, une mathématique qui m’élèverait à l’abstraction de ses équations
mais trève de plaisanteries

ce sont rêves et j’ai beaucoup rêvé

cette voix encor dans la vitre de ma fenêtre, la parole chantée de Valérie Vocalise, elle n’existe pas et pourtant elle existe, là, dans les mots qu’elle chante et que moi j’écris, comme ces femmes qui battaient le linge sur le bord d’une rivière et que le goulet automobile a remplacées

d’autres lieux, d’autres temps les remplaceront à leur tour
spiralant autour du présent élastique
comme la Terre autour du soleil et le soleil autour du noyau galaxic

curieux de voir comment l’humanité traversera les crises qu’elle s’est provoquées, vers quel état d’elle-même et de la planète elle débouchera, implosée? explosée? virtualisée? amoindrie? regénérée?

serai-je témoin de son abîme?
l’accompagnerai-je dans son envolée spatiale?

tiens, je l’abandonnerai à son sort et sillonnerai la Voie Lactée à bord d’un astronef soufflé par les vents stellaires, traverserai le gouffre intergalaxic et me poserai sur Andromède, puis, sur des millions d’années, poursuivrai mon périple jusqu’à la fin de l’Univers

qu’importe ainsi le sort de l’humanité
moi son témoin accidentel
son spectateur curieux, son complice indifférent
en équilibre entre ce qui a été, ce qui est, ce qui sera
ce qui aurait pu être, ce qui aurait pu ne pas être
je la regarde passer
gonflée de tout ce qui l’a précédée
ses peuples, ses villes, ses flores, ses faunes
ses lieux se mirent les uns dans les autres
se remplacent, se déplacent
dans ma tête et dans sa tête collective

et dans la vitre de ma fenêtre je contemple mon immortalité
je lance un baiser d’amour à Valérie Vocalise et à toutes les femmes que j’ai eues, à toutes celles que je n’ai pas voulues, à toutes celles que je ne pouvais avoir
je tends la main à tous les hommes, ceux que j’ai fréquentés, ceux que j’ai évités, ceux que je n’ai pu éviter, ceux que j’aurais voulu connaître

et je hausse les épaules
sur les enfants que je ne pouvais engendrer
me console de ceux que j’ai croisés

aujourd’hui, maintenant
est plein de sens et n’en a pas
je suis un trou noir de réminiscences
un vortex mémoriel
la mémoire du monde
une redondance sans fin dans l’abondance planétaire

mais le monde peine à se souvenir, décline le témoignage de lui-même, s’imagine flèche vers un futur qu’il s’évertue à conjugueur au présent alors que son parcours est sinuosités, flexions, inflexions, virages, tortuosités

arabesques, méandes & ôtres détours

souvent j’ai aperçu par une porte entrouverte la mort assise dans un fauteuil, son regard vers le fond d’une pièce que je ne voyais pas, et je l’ai vue se faufiler dans des ruelles sombres, disparaître comme un mirage derrière une dune de sable, marcher sur des mers plates comme des miroirs, danser sur les flots rageurs des océans, filer dans le ciel comme un squelette de carnaval, longer des forêts comme une mauvaise idée encapuchonnée

sauvage et sournoise
et pas une seule fois elle m’a regardé
pas une seule fois elle a fait acte de ma présence
j’aurais voulu qu’une fois, une seule fois
elle me jette un coup d’oeil
pour me prouver à moi-même qu’immortel
j’existe pourtant

alors je chante la vie même si
ses pulsions, son désir immense
la vie ailée comme nuage
indomptable et têtue
funambule dans les interstices du monde

et par la fenêtre, dans la vitre de laquelle je me raconte, je vois le monde égaré dans sa folie, perdu dans ses récits brisés que sûrement il raccommodera tant bien que mal et qu’avec lui, en dépit de lui, je continuerai de tisser les miens

ici et ailleurs, partout et nulle part
aujourd’hui, maintenant

Jimi Hendrix, Up From The Skies

déviations, entrées, fictions

Navigation de l'article

Previous Post: Russie – Ukraine : le pourquoi du comment
Next Post: nsfw

Comments (4) on “l’immortel (5) lucarnes”

  1. catse dit :
    2023-06-20 à 05:16

    tu as du tracer quand tu étais Néandertalien ,des peintures dans des grottes , elles sont toujours visibles ,ou des géoglyphes .
    Beaudelaire a surement du avoir un problème avec les femmes ,ou alors il se pose (et s’oppose ) contre la société bourgeoise de son époque ,mariage ,enfants etc .
    Comme tu as aussi vécu à son époque ,tu dois savoir que cette société n’était pas tendre avec les femmes ,englués qu’ils étaient dans l’hypocrisie de la religion .

    Répondre
    1. Jean dit :
      2023-06-22 à 17:34

      Baudelaire s’opposait à la société bourgeoise de son époque, il la critiquait sévèrement d’autant plus qu’il s’incluait dans cette critique
      — Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère!
      par contre il avait ce travers de considérer la femme comme incapable d’envolées intellectuelles ou spirituelles de haut niveau, ce en quoi il avait tort, faut dire que dans son temps, oui, la femme était reléguée à l’arrière-plan des affaires du monde et comme ses contemporains il ne se posait pas trop de questions sur ce sujet, tout ça sans lui ôter son humanité, la femme étant tout aussi vertueuse ou vile que l’homme…
      faudrait que je fasse le tour des grottes du monde pour voir si j’y ai laissé ma griffe

      Répondre
  2. catse dit :
    2023-06-17 à 00:58

    fais toi graveur de pierre ,sinon que restera t’il de tes écrits dans un futur lointain ?
    « Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées. »Beaudelaire

    Répondre
    1. Jean dit :
      2023-06-18 à 22:14

      même les pierres finissent par se désagréger
      ah! ce cher Baudelaire, le plus moderne des poètes du 19ème siècle, misogyne à ses heures (personne n’est parfait), génial quand même

      Répondre

Laisser un commentaire Annuler la réponse

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

L’humanité a un destin étoilé qu’il serait bien dommage de perdre sous le fardeau de la folie juvénile et des superstitions infondées.
Isaac Asimov

Liens de langues

CNRTL
Dictionnaire de l’Académie française
Dictionnaire québécois
Imago Mundi
L’Autofictif
Le clavier cannibale
Le journal de Tintin
Lexilogos
L’image sociale
Usito
Vocabulaire du capitaine Haddock

© Stepan Kapl - Shutterstock

Check Our Feed

Infolettre

Loading

Bonestell LLC reproduction.

La terre est bleue comme une orange.
Eluard

La lune est le soleil des statues.
Cocteau

Il est grand temps de rallumer les étoiles.
Apollinaire

Calypso © Michael Koelsch Modifications: Juliette Rayner

© Jean Chicoine

Pour tous les textes publiés sur ce blogue, sauf indication contraire.

Si vous détenez les droits sur une image ou une photo non créditée, veuillez m’en aviser afin qu’elle le soit — ou qu’elle soit retirée.

Copyright © 2023 le journal d'un miroir.

Powered by PressBook Dark WordPress theme