aujourd’hui, maintenant
j’écris ces lignes sur un écran d’ordinateur en même temps que je grave des signes sur une roche préhistorique, que j’enfile les billes d’un calendrier lunaire, que je tiens les comptes d’un prince ou ceux d’un pirate
ma longue mémoire une tapisserie de liens oniriques
aujour’hui, maintenant
à l’époque actuelle pleine de mon passé parallèle, j’avoue ma lassitude de vivre toujours et je reste curieux de l’avenir
le mien et celui du monde
je tourne la tête, tends l’oreille, cette voix, je me lève, vais à ma fenêtre, vois dans la vitre le reflet de Valérie Vocalise, elle chante
j’ouvre la fenêtre et dehors, ailleurs, des femmes volubiles battent le linge sur le bord d’une rivière
ici et là, au présent comme au passé
elle et elles comme évidences
et je dois me ressaisir pour reprendre le cours du temps présent
mais le temps est une illusion, une variable, un conte
seule la vie est constante, elle est cycle, spirale, récurrence
je reviens m’assoir
un sourire aux lèvres
le coeur meurtri
l’âme en question
curieux de l’avenir du monde
je l’ai traversé sur tout son passé
je suis curieux de son futur
et pourtant je suis las d’être
or posons l’éventualité d’un conflit nucléaire planétaire, je serais irradié de part en part sans mourir, je reviendrais investi des prouesses d’un surhomme, je serais celui guidant les restes de l’humanité vers les étoiles ou l’abominable qui la dominetait
me revient parfois cette envie de dominer et d’abuser pour mon seul plaisir comme je l’ai fait en des temps révolus, une pulsion de violence, de mégalomanie que je partage avec mes semblables mortels
cependant que ma longue expérience a depuis longtemps émoussée
(j’ai sauvé d’innombrables vies, le voulant et sans le vouloir, j’en ai détruit autant, le voulant et sans le vouloir)
ou toute l’humanité aurait disparu, je resterais seul sur une planète ruinée qui se ranimerait au long des millénaires
ou peut-être la science des prochains siècles trouvera-t-elle une explication à mon existence, une mathématique qui m’élèverait à l’abstraction de ses équations
mais trève de plaisanteries
ce sont rêves et j’ai beaucoup rêvé
cette voix encor dans la vitre de ma fenêtre, la parole chantée de Valérie Vocalise, elle n’existe pas et pourtant elle existe, là, dans les mots qu’elle chante et que moi j’écris, comme ces femmes qui battaient le linge sur le bord d’une rivière et que le goulet automobile a remplacées
d’autres lieux, d’autres temps les remplaceront à leur tour
spiralant autour du présent élastique
comme la Terre autour du soleil et le soleil autour du noyau galaxic
curieux de voir comment l’humanité traversera les crises qu’elle s’est provoquées, vers quel état d’elle-même et de la planète elle débouchera, implosée? explosée? virtualisée? amoindrie? regénérée?
serai-je témoin de son abîme?
l’accompagnerai-je dans son envolée spatiale?
tiens, je l’abandonnerai à son sort et sillonnerai la Voie Lactée à bord d’un astronef soufflé par les vents stellaires, traverserai le gouffre intergalaxic et me poserai sur Andromède, puis, sur des millions d’années, poursuivrai mon périple jusqu’à la fin de l’Univers
qu’importe ainsi le sort de l’humanité
moi son témoin accidentel
son spectateur curieux, son complice indifférent
en équilibre entre ce qui a été, ce qui est, ce qui sera
ce qui aurait pu être, ce qui aurait pu ne pas être
je la regarde passer
gonflée de tout ce qui l’a précédée
ses peuples, ses villes, ses flores, ses faunes
ses lieux se mirent les uns dans les autres
se remplacent, se déplacent
dans ma tête et dans sa tête collective
et dans la vitre de ma fenêtre je contemple mon immortalité
je lance un baiser d’amour à Valérie Vocalise et à toutes les femmes que j’ai eues, à toutes celles que je n’ai pas voulues, à toutes celles que je ne pouvais avoir
je tends la main à tous les hommes, ceux que j’ai fréquentés, ceux que j’ai évités, ceux que je n’ai pu éviter, ceux que j’aurais voulu connaître
et je hausse les épaules
sur les enfants que je ne pouvais engendrer
me console de ceux que j’ai croisés
aujourd’hui, maintenant
est plein de sens et n’en a pas
je suis un trou noir de réminiscences
un vortex mémoriel
la mémoire du monde
une redondance sans fin dans l’abondance planétaire
mais le monde peine à se souvenir, décline le témoignage de lui-même, s’imagine flèche vers un futur qu’il s’évertue à conjugueur au présent alors que son parcours est sinuosités, flexions, inflexions, virages, tortuosités
arabesques, méandes & ôtres détours
souvent j’ai aperçu par une porte entrouverte la mort assise dans un fauteuil, son regard vers le fond d’une pièce que je ne voyais pas, et je l’ai vue se faufiler dans des ruelles sombres, disparaître comme un mirage derrière une dune de sable, marcher sur des mers plates comme des miroirs, danser sur les flots rageurs des océans, filer dans le ciel comme un squelette de carnaval, longer des forêts comme une mauvaise idée encapuchonnée
sauvage et sournoise
et pas une seule fois elle m’a regardé
pas une seule fois elle a fait acte de ma présence
j’aurais voulu qu’une fois, une seule fois
elle me jette un coup d’oeil
pour me prouver à moi-même qu’immortel
j’existe pourtant
alors je chante la vie même si
ses pulsions, son désir immense
la vie ailée comme nuage
indomptable et têtue
funambule dans les interstices du monde
et par la fenêtre, dans la vitre de laquelle je me raconte, je vois le monde égaré dans sa folie, perdu dans ses récits brisés que sûrement il raccommodera tant bien que mal et qu’avec lui, en dépit de lui, je continuerai de tisser les miens
ici et ailleurs, partout et nulle part
aujourd’hui, maintenant
Jimi Hendrix, Up From The Skies
tu as du tracer quand tu étais Néandertalien ,des peintures dans des grottes , elles sont toujours visibles ,ou des géoglyphes .
Beaudelaire a surement du avoir un problème avec les femmes ,ou alors il se pose (et s’oppose ) contre la société bourgeoise de son époque ,mariage ,enfants etc .
Comme tu as aussi vécu à son époque ,tu dois savoir que cette société n’était pas tendre avec les femmes ,englués qu’ils étaient dans l’hypocrisie de la religion .
Baudelaire s’opposait à la société bourgeoise de son époque, il la critiquait sévèrement d’autant plus qu’il s’incluait dans cette critique
— Hypocrite lecteur, — mon semblable, — mon frère!
par contre il avait ce travers de considérer la femme comme incapable d’envolées intellectuelles ou spirituelles de haut niveau, ce en quoi il avait tort, faut dire que dans son temps, oui, la femme était reléguée à l’arrière-plan des affaires du monde et comme ses contemporains il ne se posait pas trop de questions sur ce sujet, tout ça sans lui ôter son humanité, la femme étant tout aussi vertueuse ou vile que l’homme…
faudrait que je fasse le tour des grottes du monde pour voir si j’y ai laissé ma griffe
fais toi graveur de pierre ,sinon que restera t’il de tes écrits dans un futur lointain ?
« Le poète jouit de cet incomparable privilège, qu’il peut à sa guise être lui-même et autrui. Comme ces âmes errantes qui cherchent un corps, il entre, quand il veut, dans le personnage de chacun. Pour lui seul, tout est vacant; et si de certaines places paraissent lui êtres fermées, c’est qu’à ses yeux elles ne valent pas la peine d’être visitées. »Beaudelaire
même les pierres finissent par se désagréger
ah! ce cher Baudelaire, le plus moderne des poètes du 19ème siècle, misogyne à ses heures (personne n’est parfait), génial quand même