le principe d’équivalence d’Einstein:
la géométrie dit à la matière comment elle doit se déplacer
la matière dit à la géométrie comment elle doit se déformer
vu qu’écrire normal renforce la pensée conforme, la rempare, l’assimile, l’affirme, la consolide, l’emballe, la verrouille et l’encage, la range et la remise, la met à l’abri, la réitère pour ne pas qu’elle dévie dans l’inédit, par crainte qu’elle s’égare dans le non-dit, on a peur du silence, on a peur des mots, alors on écrit bien, on s’applique des fois qu’on serait mécompris, on longe et lorgne le pareil du même, on est normal, pas moi, là où je passe je laisse une traînée de brins de sens à déplier et à ramifier en particules quantics, des fois qu’on aurait l’outrecuidance de prétendre tenir l’écriture par son fil d’Ariane, j’extrais la racine carrée des mots et les réarrange en cubes à cinq dimensions, trois d’espace, une de temps, une d’amour, car raison sans amour est déraison, et je les triture et les virevolte et les tarabuste jusqu’à en faire des sfères que je suspends com lampadaires dans les ruelles de nos désirs, ainsi toutes ces femmes que j’ai convoitées, que j’aurais voulu aimer, que je n’ai jamais possédées puisque l’écriture est ma seule maîtresse, elle est amante jalouse, je suis amant envolé sur le tapis magic de sa liberté, voilà pourquoi je me défends d’écrire comyfaut, qu’on me lise à l’envers et sans boussole com quand je reculais au plafond la tête dans un miroir, qu’on me lise à l’endroit sinon ou même qu’on ne me lise pas du tout, ça n’a pas d’importance, je chante et je danse sur la partition de ma muse, certes ma folle du logis, excentric et décomplexée, bien roulée ça va de soi com une idée fixe en mouvement, j’arpente torche à la main les couloirs bariolés de son architecture millénaire, je suis l’immortel qui traverse les époques à cheval sur des mots élastics, je parle toutes les langues en français et de quoi vous parlerais-je encor? ah! de ces aubes quand enfant je m’assoyais au bord de la rue avec un bâton et bâtissais des mondes de terre, de roches et de débris le long du trottoir, s’il avait plu j’étais capitaine à la barre de mon navire qu’une rigole précipitait vers les chutes abyssales d’un puisard, alors je devenais héro d’acier, j’enfourchais une fourmi et pourfendais monstres et démons dans les cavernes nauséabondes du canal, et voilà-t-y pas que ma mère se sortait la tête par la porte pour me dire de venir déjeuner, le soleil levant auréolait son visage et le monde parlait le langage de l’amour, ou quand père avait encor bu, avait encor engueulé mère et venait m’expliquer en haleine de gin, les larmes aux yeux, moi l’aîné je comprendrais, qu’il lui fallait nous quitter, et j’attendais confus qu’il en finisse que je me retranche dans mon Bob Morane, le monde parlait toujours le langage de l’amour, mais un langage brisé com de raison, le coeur en mille miettes, plus tard, père à mon tour, je l’ai pris dans mes bras et je lui ai pardonné, ça m’est venu com ça, lui sur le coup a été surpris com s’il ne comprenait pas, plutôt ne voulait pas comprendre, pas tout de suite, com je n’avais pas voulu l’entendre en fuite chez Bob Morane, ou chez Nick Jordan, un agent secret français, plus réaliste et que je préférais au commandant, mais ça n’a pas d’importance, à la vérité ça ne s’est pas passé tout à fait com ça, je ne m’étais pas présenté aux funérailles de grand-mère, sa mère, et de ses cinq enfants une seule avait daigné se déplacer, ça l’a vexé, ça lui a fait du mal, il me l’a reproché, je me suis excusé, je reconnaissais mon tort, j’aurais pu me rendre sur le pouce com je venais de le faire, je vivais à La Pérade, les funérailles avaient eu lieu à Montréal, prétexte plutôt que raison, je serais arrivé en retard qu’au moins je m’y serais pointé, j’en convenais, puis je l’ai accusé de n’avoir pas été un bon père et je le lui ai pardonné, com quoi nos pensées grouillent et se tortillent en noeuds sémantics et que toute écriture est monologue déguisé dialogue ou dialogue dévoilé monologue, ça dépend de la courbure de l’espace et de l’agencement des miroirs, mon écriture amante irritable, ou m’écrituramantirritab, encor une fois ça dépend des marées et des écritos, ma folle du logis décoincée com une effeuilleuse, ma muse riche robineuse est de tous les bords et de tous les extrêmes, elle n’a pas de limites, elle repousse les frontières et rejette les fonctions, point qui se veut circonférence, périmètre qui s’imagine pivot, elle défait les divisions pour les multiplier en autant d’êtres humains qu’il y a sur Terre, elle se prend pour une autre libre en soi, se prend pour elle-même enfermée dans l’autre, vu qu’écrire normal revient à reconduire le réel dans ses sentiers battus, à le perpétuer dans ses ornières tronquées, à le réconforter dans ses bornes utopics, car en toute logic le réel est affaire d’imaginaire, nous soms pixels dans le théâtre cosmic, poussières d’étoiles et vecteurs galaxics en pensées de matière, ainsi ce long regret com un traversier qui a perdu ses rives d’avoir aimé Manon Duval sans l’avoir eue, la femme que j’aurais été si j’avais été femme, mon écriture un labyrinthe aux mille miroirs, une carte du ciel, un territoire hanté, un fleuve, un océan,
Hawkwind, Nuclear Drive
notes:
(principe d’équivalence) tel que vulgarisé par Étienne Klein
(carte, territoire) c’est de Michel Houellebecq, avant lui de Michel Levy, avant eux d’Alfred Korzybski, «la carte n’est pas le territoire»
[R.I.P. Michèle Lalonde, poète, 28 juillet 1937 – 22 juillet 2021]