Billy (Michael Douglas): We were 17, you know, five minutes ago. It was just yesterday. I just don’t know where it all went, you know? My brain cannot conceive how old this body is.
Last Vegas
fixé sur la page pixelisée comme un poteau solitaire sur une voie de garage j’appelle les mots à ma rescousse, piégé dans un cul-de-sac par la muse traîtresse je fouille dans mes poches voir si n’y traîneraient pas quelques métafores malaimées, un souvenir accroché à la fenêtre du désir, un geste dans la pensée d’une licorne que j’enfourcherais pour reprendre du poil de la bête et c’est parce que j’ai fait un rêve qui m’a remis mon âge en plein nexus, je descendais la rue d’un pas fringant, la soleil couchant allongeait mon ombre devant moi, tout était clair dans ma tête, je m’étais libéré d’un amour décevant, j’allais désormais poursuivre les femmes et me les enjôler, reprendre la course au jupon là où je n’aurais pas dû y renoncer, aucun doute que ma prestance de beau garçon et mon aisance de beau parleur me les tomberaient facile quand, méchante ironie, c’est l’évidence cruelle de mon âge qui m’est tombée dessus, ben voyons, mon vieux, le temps du libertinage est passé, fallait s’y prendre avant, aujourd’hui ta tête veut bien, mais ta tête, elle est où? elle est dans les nuages, et ton coeur, ah! ton coeur! quel méli-mélo que celui-là! il ne veut plus vraiment, l’amour de la vie lui suffit, c’est ton corps qui veut, qui geigne, qui aspire à ses vingt ans et qui se désole d’en être si éloigné, un gouffre l’en sépare et pourtant c’était hier…
alors j’ai ralenti mon pas, je me suis rappelé que mes jambes douloureuses ne me portent plus avec agileté, que mon corps doit souffler la fatigue qu’il traîne derrière lui comme une cape passée de mode,
puis je me suis arrêté, la vie se jouait du monde, le monde s’amusait de la vie, ah bon, me suis-je dit, les années s’étant accumulées en plaques incertaines au fond du ventre mieux vaut dans ce cas en sourire et je me suis réveillé, mais dans un autre rêve où je cherchais le souvenir d’un grenier au fond d’une cave mal éclairée, je regardais sur les tablettes poussiéreuses, faisais attention pour ne pas m’enfarger dans l’ombre de mes regrets, j’étais anxieux, l’impatience me gagnait, je n’aime pas les caves, ça grouille d’inconscient,
enfin je trouvai, un comic book abîmé par l’humidité que j’avais laissé sur une caisse comme un repère dans le passage du temps, un indice dans l’exposé des années envolées, un référentiel pour essayer de s’y revoir, n’importe quel comic book dont je feuilletai les pages décolorées et je retrouvai le grenier, — chambres désertées de bas en haut, — c’était du temps que je lavais et peinturais des maisons, cette fois-là je désencombrais un grenier, la lucarne sous le toit était ouverte sur une chaude pluie d’été, je prenais mon break assis sur une malle, le comic book entre les mains, y en avait une pile dans une caisse et je devins rayon de soleil échappé des nuages qui dansait avec la pluie,
je dansais, je dansais, je buvais la pluie, j’étais la pluie qui fractionnait le rayon de soleil et, d’un pas de danse à un autre, je mis le pied dans un autre rêve, le comic book toujours en main ouvert sur une voie ferrée qui le traversait de part en part, une jeune femme venait à ma rencontre sur le quai, une nébuleuse aux épaules, je l’ai trouvée au bout du quai, dit-elle, c’est la nébuleuse de la lyre, elle a dû manquer le train, elle est belle, han? faudrait la remettre dans le ciel, justement un train arrivait, un train stellaire, nous sautâmes à bord et remîmes la nébuleuse à sa place, émeraude dans l’écrin de sa constellation et la jeune femme devint oiseau de feu qui me ramena sur terre où je rêvais que je me réveillais dans le monde réel, non, ça n’allait pas, c’était toujours l’impasse, les mots me manquaient, je fouillai de nouveau dans ma poche, il devait bien me rester quelques métafores, j’en sortis un bout de fil, serait-ce un fil conducteur? non, c’est trop facile, un fil comme la pièce d’un puzzle qu’il me resterait à inventer? voilà, un brin de vie sur la tapisserie du temps que les fileuses déroulaient dans un couloir infini, enfin je n’étais plus dans l’impasse, la voie de garage ouvrait sur un pont, le cul-de-sac était percé, je tendis le bras vers le grenier pour y récupérer le rayon de soleil, en profitai pour m’asperger le visage d’eau de pluie, le comic book était retourné s’abîmer dans la cave et, le rayon en main, je m’éveillai pour de vrai dans le mirage de nos fictions sociales,
ah ah ! lapsus je n’avais même pas vu le T !
belle page !
« Last Vegas » j’aurais pas pensé à Michael Douglas mais à Johnny Depp « Last Vegas parano »
ah les rêves ! c’est souvent l’échappatoire , quand le reste ne suit plus vraiment ….
Last Vegas, un trip de « vieux », d’où Last = dernier
Las Vegas, sans t, avec Depp