j’écris à la mitraillette, je suis le terroriste de l’écriture, j’ai kidnappé le motif lancinant com un mal de dent du massacre des innocents et j’exige la rançon de notre responsabilité collective,
j’écris dans l’idée fixe d’écrire, je rameute mes mots pour réinventer ma langue pour refaire le monde, si ça adonne com de raison, ne me demandez pas d’écrire com il faut, j’en suis incapable, j’éprouve assez de misère de même à rabouter mes phrases, ou mon interminable phrase dévergondée,
l’immense plupart, — c’est du poète Valéry, l’immense plupart, expression plantée com un poto insolite dans la grammaire de Grevisse, — l’immense plupart, donc, de l’écriture d’asteur suce, puis je vais vous expliquer pourquoi,
c’est parce que l’immense plupart de l’écriture d’asteur se prend pour acquise, péché mortel!
elle a peur d’innover, elle se contemple le nombril, elle pond toute du pareil au même, la grosse majorité des écrivain(e)s d’asteur sont des chickens, des pompeux pis des pompeuses qui font les songé(e)s, installé(e)s bien à l’aise dans l’édifice du langage qu’ils et elles arpentent avec leurs appareils, mécanismes et ôtres savanteries, ils et elles se croient à l’abri des pirouettes, surprises et ôtres folleries de langue, mais il va bien nous en arriver un ou une qui nous chavirera l’écrivage com Picasso nous a brassé le portrait, déjà, com j’aime le répéter, que les ordinateurs sont à l’oeuvre,
l’écriture est une ouverture vers l’écriture à venir, pas une fin après quoi les honneurs, une construction jamais achevée, une sinfonie jamais finie, com on dirait que plus d’un enfant se fait sonner les cloches sur un temps rare et com on dirait ossi que chaque génération est une transition vers la génération suivante, pas une obsession après quoi le déluge,
com de raison j’aurais voulu avoir pondu de belles grandes choses monumentales, je me suis longtemps pris pour une grosse bolle, je rêvais de briller dans le firmament de la littérature, de même que l’enfant aurait bien voulu pouvoir vivre de belles grandes choses super mégamonumentales et ce n’est certainement pas avec nos Disneylands, MacDonalds et ôtres Toys R Us qu’on va rétablir l’équilibre, j’ai désenflé depuis, si la bedaine m’a gonflé entretemps, je me contente d’écrire mes textes pas d’allure en essayant d’y semer du sens, incapable que je suis, com j’ai dit, de pondre des textes conventionnels, sinon j’imagine que j’aurais pu devenir un écrivain tant soit peu connu, ou même plus que moins et goûtant au succès, peut-être me serais-je mérité un prix, ça fixe les idées, un prix, ça rend crédible, on est des crédules, nous ôtres, facile de nous bourrer, des vraies valises, et les enfants sont les plus crédules, remarquez que j’étais content pour mon chum Yves Boisvert quand il s’est décroché un prix en poésie, un vrai poète, Yves, qui s’est réinventé sa langue jusque dans la chair de son cou, qui un soir nous a estampé ses mots sur la peau pour voir, qui voulait lui ossi refaire le monde et qui vient d’une petite ville québécoise appelée L’ Avenir en plus, mais un prix, ça ne reste que du symbolisme englué dans de la matière ou de la matérialité enfirouapée dans du symbole et com l’enfant se retrouve coincé à la jointure de nos effets de pensée, peut-être qu’on aurait réalisé des films ou des séries télévisées avec mes histoires, puis peut-être que j’aurais encaissé du ca$h sérieux, je me serais sûrement pris pour un ôtre en faisant l’important plus souvent qu’à mon tour, je serais devenu ce que mon père appelait « un faiseu d’ phrâses patenté », je serais devenu un chicken,
je n’aurais pas progressé d’un pouce dans l’écriture,
je suis bien aise d’avoir failli, mieux vaut, me dis-je, avoir raté ma tentative de création qu’avoir réussi en écrivant com toulmonde,
je suis libre, pas l’enfant cependant, donc je ne suis pas libre,