Il est doux à tout âge de se laisser guider par la fantaisie.
Marcel Proust
or me revoili me revoilu devant la page blanche qui est aussi un trou noir où tournoient com des pulsars en folie les vortex du possible et de l’impossible et je me dis qu’il ne faut pas que j’écrive normal, déjà que ce que j’écris reste plus ou moins normal, je veux dire lisible, bien qu’inusité, singulier, déviant, allez, une pof de Lady Jane pour secouer les chaînes du confort et jeter les mots pêle-mêle sur la page com une poignée de dés lancés à l’envers du hasard ou azar et voilà que du fond du trou noir affleure com une onde gravitationnelle ou une bulle à la surface d’un étang le souvenir d’une vénus, c’était du temps que j’allais à l’université, on buvait de la bière en gang au café campus après les cours du soir, Bernard, en fysic théoric, grand bonhom carré intelligent pour de vrai, me demande si j’ai du hash ou si je peux en trouver, j’en ai pas, je sais où en trouver, mais va falloir que je descende au centre-ville, mon dealer deale au Quai, j’en ai pour trois quarts d’heure max, pas de problème pour lui, moi ça me dérange pas de faire le déplacement? non, pis d’ailleurs j’en veux moi aussi, il me paiera la traite au retour, je cale ma bière, écrase ma cigarette dans le cendrier, m’en vas pisser, pis m’en vas prendre l’autobus et reviens au fantasme que j’ai d’écrire un livre qui ne rimerait à rien en disant tout ou plutôt com du cubisme littéraire ou com du surréalisme qui brasillerait dans les éclats de ses miroirs ou encor com si on catapultait tous les mots du monde dans l’espace pour les accrocher aux étoiles et je fonce dans le trou noir à vélocité folle en même temps qu’immobile derrière la géométrie d’un livre impraticable et improbable qui m’échappe et que j’écrirai sûrement dans une autre vie ou que je suis en train d’écrire dans une dimension parallèle ou qu’un autre ou une autre écrira à ma place et je serai alors fantôme reconnaissant, j’arrive à mon stop, débarque, prends la direction du Quai, la rue est animée sous le ciel bleu noir, les lumières de la ville voilent le faste des étoiles, c’est pas grave, j’ai la tête dans la stratosfère, mes deux pieds bien au pas sur le trottoir et une fois rendu je me commande une bière et regarde alentour accoudé au comptoir, c’est pas grand le Quai, la music est pas trop forte, on peut s’entendre parler, je spotte mon dealer dans son coin avec sa gang, il me voit lui aussi, me salue en levant sa bière, je le salue en levant la mienne et au moment où je m’apprêtais à le rejoindre une grande fille me rentra dedans, je manquai renverser ma bière, elle s’excusa avec émoi et joyeuseté en posant sa main sur mon bras, elle était pulpeuse et charnue com les modèles des peintures d’autrefois, les cheveux noirs, les yeux noirs, les lèvres roses, elle sentait l’amande, elle s’appelait Josée, elle était magnific, elle se commanda une bière, m’invita à sa table, elle était avec des copains, okay, dans cinq, dix minutes, je vais voir mon dealer, on me fait de la place à sa table, on jase, transaction discrète, puis j’allai rejoindre Josée, elle me fit une place à côté d’elle, me présenta à sa compagnie le bras dans mon cou, elle m’avait harponné, je lui dis que je ne pouvais pas rester trop longtemps, lui dis pourquoi, mais elle ne tenait pas à ce que je parte, insistait pour que je reste, se serrait langoureuse contre moi, me chuchotait des mots imagés à l’oreille, mais je pouvais pas faire ça à mon copain qui attendait son hash au café campus, je pourrais toujours l’appeler, m’expliquer, y avait pas de cellulaires dans ce temps-là, aurait fallu que je téléfone du bar après avoir cherché le numéro dans le bottin, mais là n’était pas le problème, juste que c’était vache de lui faire ça, j’avais promis, Josée comprenait, elle pensait pareil, avait décidé, elle m’accompagnerait, on revenait ici après, elle avait trouvé son hom à soir, pas question de le laisser filer, c’était chimic notre affaire, que dis-je, ça devenait électric et hop dans l’autobus qui arrivait au stop en même temps que nous et de quoi avons-nous parlé? mais de tout et de rien, nos mots s’envolaient com des oiseaux ou oizos migrateurs, ils nous reviendraient sur le trajet du retour et je les retranscris ici, les y disperse en une pluie de confettis, une averse de photons, une ondée sensuelle, les dessine de mon oeil aimanté et les fait rimer avec le mot liberté, j’affine azur sur amour, corps à corps sur l’horizon exalté, coeur à coeur par inviolabilité du vivant, les fais rouler com des billes multicolores sur des sentiers en plexiglas, les enroule en guirlandes ensorcelées sur le monde abîmé pour l’enjoliver, les déroule en péripéties scénarisées com s’il y allait de la survie des âmes et je remis son hash à Bernard, non, je restais pas, je retournais au Quai avec une fille, elle m’attendait dehors, c’était partie remise pour la traite et alors qu’elle et moi fumions une pipée de hash en attendant l’autobus, une tite pipe que j’avais toujours en poche, le sol se déroba sous nos pieds et nous nous élevons, légers et romantics, nous ondulons au-dessus des maisons en vecteurs de chaleur et de sourires et de grands rires et de silences aussi, nos doigts en caresses éfémères, les yeux dans les yeux ou sur l’immensité du monde, nos lèvres se frôlent, ne se touchent pas, nous nous embrasserons plus tard, pour l’heure nous sommes évanescents, du rêve attrapé au vol, le réel déboutonné, elle est violoncelle, je suis saxofone, notre music un tango langoureux, une valse au ralenti, elle est nuage, moi vent, mais l’autobus arrivait, nous redescendîmes sur terre et pendant que l’asfalte roulait sous les roues nous refîmes le monde en losanges, en sfères, en cubes et en cônes et l’entonnoir du trou noir nous aspirait dans des fééries bariolées que la gravité étirait jusqu’à la singularité de leur dénouement perpétuel, les oizos ou oiseaux repassaient dans le sens inverse des mots qu’ils avaient emportés, ces paroles que nous avions échangées, elle et moi, que nous échangions encor com rumeurs et réflexes, qui s’entrelaçaient dans les étoiles en rubans fictifs, qui vinrent danser en dominos de soie et de satin au pied des buildings quand nous arrivâmes au centre-ville et que j’esquisse ici au mieux de mes souvenirs com des statues vivantes dans un parc improvisé, nous avons fait la fête, elle et moi, Josée et moi, au Quai, nous avons bu, pas jusqu’à se souler, nous nous gardions vivaces, nous avons fumé du hash, pas juste nous deux, je partageais avec sa compagnie, on tokait dehors dans la nuit marine parfumée au gaz des autos, les mots des passants passaient com des réverbérations de peintures sur pellicule, nous avons dansé, ce n’était plus électric, notre affaire, c’était devenu plasmagène et je me réveillai à ses côtés dans la matinée ensoleillée,
tout ça et bien d’autres choses encor alors que je vis dans le Bleu noir des heures envolées
le récit de ton « coup de foudre » nous remémore celui ou ceux qu’on a pu rencontrer
bizarre comme on oublie les paroles dites ,ou le réel disparaît ,juste une sorte de décharge électrique . l’as tu revue Josée ,ou était ce une rencontre éphémère,comme souvent les coups de foudre ?
au début ton aparté sur ton roman , qui démarre sans un point final de la phrase précédente peut déstabiliser . comme d’ailleurs ta façon d’exposer au lecteur ton écriture comme un bloc compact
.
je sais bien que c’est toi le maître de ta page ,peut être que quelques retours à la ligne laisseraient respirer le lecteur ?
je ne l’ai jamais revue, ce fut un coup de foudre momentané pour ainsi dire,
j’aime écrire en blocs compacts, je le fais pas toujours et quand je le fais c’est pour enfermer le lecteur dans un labyrinthe de miroirs,
dans ce texte-ci on pourrait dire que je lance le lecteur dans un trou noir où espace et temps s’entremêlent,