– Écris
– Pour qui?
– Pour les morts, pour ceux que tu aimes, dans un monde qui fut.
– Mais le liront-ils?
– Non!
Sören Kierkegaard
y a qu’une façon d’écrire, c’est une vérité de La Palice, et c’est d’écrire, n’importe quoi s’il le faut, n’importe où, n’importe quand, n’importe comment, que les mots se suivent et ne se ressemblent pas, écrire ce qui passe par la tête com vol d’oiseaux ne serait-ce que par devoir d’écriture, pour la pratique, pour faire ses gammes, a e i o u, pour colorer, bruiter, parfumer, pour toucher la mer et contenir les continents, pour inventer des perspectives com si on entrait dans un labyrinthe, qu’on traversait une ville de métal, qu’on empruntait un sentier en forêt, écrire pour écrire, raconter un souvenir com la fois que mon père est entré soul et s’en est pris à ma mère com d’habitude, plus violent qu’à l’accoutumée ce soir-là et elle lui a fracassé un gros vase en vitre sur le front, il a déguerpi, on restait au deuxième étage, ou au troisième? j’ai lavé le sang dans l’escalier, écrire pour le simple plaisir d’écrire et de voir les phrases s’empiler sur la page ou sur l’écran, personnellement je ne suis plus capable d’écrire longuement à la main, elle crampe, je préfère et de loin le clavier, rameuter ses mots pour broder un texte sans s’en tenir aux faits et même si le texte n’a plus aucun sens, le sens finit toujours par surgir, le sens est partout même quand il a l’air d’être absent, écrire pour apprendre à écrire, écrire à tort et à travers, écrire de ehcuag à etiord pour sauter dans le miroir et se prendre pour un autre, d’ailleurs ne jamais avoir peur de se prendre pour un autre, c’est la seule façon de se retrouver, on revient toujours au même, écrire sans idée fixe avec l’idée fixe d’écrire, s’amuser avec l’ortograf, se déhancher la syntaxe, s’emberlificoter le style pour en dessiner un visage aimé, tant de visages aimés! écrire les mains liées ou en se dorlotant com un enfant brisé, chanter les merveilles du monde, le mouiller de chagrin, le prendre à bras le corps et le pendre par la peau du cou com une constellation affligée, danser la joie d’être au monde, se désoler de sa cruauté, le ciseler en évidences de poèmes, le poète essayiste s’y est essayé, puisque quoiqu’on écrive, que ce soit grandiose, malléable ou discret, transparent, futuriste ou mauve, reste le geste d’écrire, important com la rose, futile et fertile, écrire bien si possible et bien écrire c’est un ordre, la langue est une maîtresse irascible et jalouse qu’on doit connaître intimement si on veut se la mouvoir à bon escient, espiègle et joueuse de tours qu’elle est! on ne brise que les règles que l’on maîtrise, écrire pour ne pas mourir, écrire pour ne pas vivre, écrire parce qu’on a vécu, écrire de travers assis par terre, ne jamais écrire pour dire, ce sont les personnages qui parlent, avec ou sans auteur·e·s, mais ne pas hésiter à écrire pour ne rien dire, se retenir de vouloir tout dire et tout dire en un mot com en cent, écrire sur un coin de pays ou sur le coin d’un mur, écrire le dos au mur face à l’adversité, j’avais écrit au feutre noir sur un mur du salon chez mon ami Pierre un court texte sur me rappelle plus quoi qui se voulait hautement raisonné et définitivement profond, Pierre avait dit qu’il lui faudrait emporter le mur quand il déménagerait, c’était du temps qu’on s’amusions à dévisser des champs de portes et toc! (*) écrire avec ses tripes c’est sûr, mais c’est gluant à la longue, faut ensuite rincer et patiner sur la glace de la futilité, écrire sans tergiverser com une mauvaise habitude, prendre le pli et déplier des métafores et quant à moi je bourlingue dans la Voie Lactée où j’ai rencontré Billy Pilgrim chez les Tralfamadoriens, vrai com je vous dis, cé la vérité vra disait mon père quand il racontait des salades, écrire sans s’expliquer, sans se justifier, sans mentir en ne disant jamais la vérité, c’est un subterfuge, on se cache derrière les mots pour s’exposer à tout venant, ainsi moi par exemple je me faufile entre les phrases pour dilater mes fantômes et prolonger mes désirs, écrire sans jamais s’arrêter jusqu’à tomber raide mort sur une phrase inachevée, écrire à tête reposée, écrire dans sa tête, se prendre la tête pour écrire, se creuser les méninges ou laisse aller c’est une valse, écrire com ça vient et com ça va, mais écrire
(*) Mylène Farmer, Je t’aime mélancolie
Ouf ! Et ‘Re-Ouf , mon Johnny… J’ai pris des notes, j’ai ri…j’aimerais te citer, mais je te reviens avant par souci de précision. ‘Tellement cristallin comme approche. ‘Faut qu’on se reparle un de ces bientôt. Tu parles de faire ses gammes en écrivant…ça me rappelle le début de l’époque québécoise de Daniel Lavoie… Il nous avait raconté ça en entrevue… Question de ne pas avoir l’air trop ‘maudlin’, je te réserve mes questions les plus pointues pour plus tard. Pour bientôt.
…et j’ai imprimé, question de lire et relire sur l’autobus…
Tu peux me citer, pas de problème.
ben je vous laisse entre vous ,parce qu’écrire c’est pas mon truc
par contre lire les autres … ça oui !
et sur du papier ,humidifier son doigt pour tourner la page ,corner, annoter , avec si possible l’odeur de l’encre ,c’est mieux .
alors les écrivains à vos plumes ..enfin claviers !
Écrire pour écrire toujours la même histoire qui ne s’écrit pas, la pile des brouillons déchiquetés devient une montagne, les mots tournent autour du pot, écrire pour se consoler de ne pas voler, de ne pas être éternel, de n’avoir pas assez aimé, écrire pour s’excuser de prendre de la place…. Beau texte, Jean, qui me gratouille comme les anciennes plumes sur le papier rêche.